Doris Humphrey a toujours préféré à la scène le travail en studio. Toutefois, son influence n’en est pas moins grande grâce aux danseurs qu’elle a formé et au livre dans lequel elle a condensé ses idées : The Art of Making Dances :
1. Elle répertorie le geste en 4 types :
geste social des relations des hommes entre eux
geste fonctionnel du travail et de la vie quotidienne
geste rituel des religions
geste émotionnel des sentiments individuels.
2. Elle veut que le danseur retrouve dans ces mouvements d’aujourd’hui la charge mentale du geste primitif. Sa danse doit être enracinée dans la nation américaine et non dans un passé imaginaire et c’est en cela qu’elle est en rupture avec la Denishawnschool (qu’elle quitte en 1928 après y être restée 11 ans et avec laquelle elle garde tout de même l’idée fondamentale qui est une technique de danse basée sur les lois naturelles du corps).
3. Elle recherche le rythme fondamental engendré par les rapports de corps et de l’espace. Deux forces s’opposent : la pesanteur qui est le symbole de la force qui agit contre l’homme en l’attirant vers la terre et la force physique et spirituelle qui le remet en position debout. Les deux mots clés de sa technique sont fall et recovery (tomber et se ressaisir). Ainsi, elle déclare : « toute ma technique se ramène à deux actes : s’écarter d’une position d’équilibre et y retourner ».
Le Fall - Recovery associe ainsi dans un même cycle la chute et le retour debout à la verticale. « La chute et le rétablissement sont la matière même du mouvement, le flux permanent qui circule à tout moment, même le plus intime ». Précise D. Humphrey. Pour elle « la danse existe dans l’arc entre deux morts » : entre deux extrêmes statiques, l’aplomb et l’horizontale, il y a une zone de danger où interfèrent la perte de l’équilibre et la résistance pour le garder, opposition qui est source de tout mouvement. » Une technique en somme qui consiste à céder à la gravité pour ensuite y résister. A tomber et se resaisir.
4. Elle s’intéresse aux diverses propriétés du mouvement : le rythme : « en effectuant une série de chutes et de rebonds, on fait apparaître des temps forts qui s’organisent en séquences rythmiques », le dynamisme et le dessin. Ce même mouvement est symétrique ou ne l’est pas, il est arrondi ou anguleux ; s’il est anguleux, l’intensité est d’autant plus forte que l’angle est aigu. 5. Elle adapte à la danse les notions scéniques de Gordon Craig : le centre de la scène est le lieu où se concentrent les forces. La descente de l’acteur au proscenium apporte une note intimiste (rapprochement avec le public). Ses décors sont non figuratifs : elle fait construire des panneaux de 6 mètres sur 1.5 qu’elle peut agencer dans toutes les positions.)
Son oeuvre chorégraphique est assez importante : 50 ballets environ parmi lesquels water study (1928, danse sur le silence), The Life of the Bee (1929, avec choeur accompagnant bouche fermée), New Dance, With my Red Fire, The Piece (1935-1936, trilogie sur les problèmes de l’homme moderne américain), passacaille et fugue en ut mineur (1938, sur une musique de Bach), Canonade (1944, premier exemple de danse abstraite). Deux personnages de théâtre prolongeront dans les générations suivante son travail : José Limon (1908- 1972) qui travaille avec elle pendant 10 ans, et Louis Falco (1942-1993).