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FOCUS 6 : (S’) Outiller

« L’objet a cessé d’être un accessoire de la scène, il est devenu le concurrent de l’acteur. » (Tadeusz Kantor, Leçons de Milan, 1990)

A cette phrase de Kantor, ce nouveau FOCUS s’intéressera aux nouvelles relations entre l’objet et le performeur/danseur sur scène. "S’outiller", ou se fournir en outils au sens propre, se dit dans les expressions : Bien outillé. Mal outillé. Il s’emploie surtout au figuré pour désigner un Homme bien ou mal pourvu de ce qui lui serait nécessaire pour ce qu’il entreprend. Placer sur le terrain de la performance et de la forme artistique, "s’outiller" ne fait plus référence à l’outil pour fabriquer, mais bien plutôt à l’objet autour duquel ou avec lequel l’artiste va jouer. Entre accessoire et prothèse, l’objet n’est plus un outil à usage fixe ou reliquat, mais un élément contourné, approché pendant la performance. Nous avons choisi de nous intéresser à trois rapports spécifiques à l’objet : l’hybridation, lorsque l’objet et le danseur créés de nouveau corps, l’accumulation, lorsque le danseur empile, s’encombre, s’adjoint d’objets, la présentation, lorsque l’objet devient initiateur de mouvement, fruit d’une énonciation orale et/ou physique par le danseur.

Le danseur/performeur invente alors autour, avec ou sur l’objet pour des formes performatives pour un geste accompagné.

L’objet serait il alors la matérialité persistante dans ces arts vivants et instants éphémères ?

//// Hydridation : Erwin Wurm, Eleanore Didier, Miet Warlop,

//// Accumulation : Françoise Feraud, Alexander-Maximilian Giesche+Léa Letzel, Boris Achour , Julie T Andree

////Présentation : Gaëtan Bulourde, Ivo Dimchev, Julien Jeanne,

Ce Focus a été réalisé par Mélanie Perrier


HYBRIDATION

Erwin Wurm The idiot, performance, (2003) / One minute sculpture (1999)

Eleanore Didier, Laisser venir (2008)

"Certaines pensées se révèle à mon esprit en images. Au cours du processus de création de laiSSeRVenIR, l’écriture du solo s’est élaborée dans un aller-retour entre l’élaboration des matières chorégraphiques et l’immédiateté de la photographie. Les photos réalisées alors sont des sortes de brouillons. Elles constituent une imagerie autonome de la danse, traçant un sentier parallèle et me permettant un écart du regard. Ce processus m’a révélé un réel moyen de réflexion qui m’accompagne dans l’élaboration de chacun de mes soli. "

Prochaines dates :
- 31 mars 2012 en clôture d’ardanthé
- 9 mai 2012 à Varsovie, interprété par le danseur polonais karol tyminski

Miet Warlop, Springville(2009)

Dans Springville, nous assistons à la métamorphose d’un micro univers dans lequel les personnages, mi-hommes, mi-objets, tentent de cohabiter et de conjuguer leurs efforts. Chacun perd progressivement sa nature familière pour participer au changement d’environnement du plateau ouvrant sur un paysage silencieux qui devient sauvage et mouvant. Springville est une performance où l’image prévaut. La scénographie, les costumes,les personnages sont étroitement entrelacés et fusionnent ensemble. L’hybridation entre les danseurs et les objets sont supports à constructions narratives et gestuelles.

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WE ALL GO DOWN TOGETHER… ROB VANDERBEEKEN

ACCUMULATION

Françoise Féraud, Bodum Bodum (un solo à plusieurs) (2011)

Sur le mode du « cadavre exquis », la chorégraphe a collecté auprès d’artistes (danseurs, chorégraphes, acteurs, performers, musiciens, plasticiens, écrivains…) un bref mouvement, éventuellement accompagné d’une parole. Elle montre à chaque nouveau déposant la dernière séquence qui lui a été léguée. Celui-ci doit proposer une suite à ce qu’il voit, et enrichit ainsi la collecte. Le solo « Bodum Bodum » s’est ainsi constitué à partir de brèves séquences de mouvements et de mots qu’elle a collecté au gré de rencontres. Des fragments de textes, prélevés dans la revue de poésie "Grumeaux", fournissent la trame de ce cadavre exquis où s’agence un « solo à plusieurs ». Une quarantaine de "chorégraphes" ont ainsi collaboré à cet assemblage improbable en proposant chacun un geste ou un mouvement, quelquefois un objet ou une tâche à accomplir, tous ont tiré un bout de texte au hasard dans la revue "Grumeaux". « Françoise Féraud, campée derrière une table couverte d’objets hétéroclites — cafetière de la marque Bodum (qui a donné son nom à la pièce), bouilloire, feuilles blanches éparpillées — nous entraîne dans un récit surréaliste, cadavre exquis où le geste se joint au mot pour fabriquer la danse. Recyclant sur scène une matière collective (bouts de textes piochés au hasard, mouvements et objets proposés par une quarantaine de chorégraphe), ce « solo à plusieurs » génère des situations drôles et surprenantes. » (Céline Piettre )

Boris Achour, Jouer avec des choses mortes, (2003) Les Laboratoires d’Aubervilliers

Oeuvre-exposition au sein de laquelle le spectateur déambule dans un environnement plongé dans la pénombre où seuls des objets souvent hors d’échelle - une saucisse géante, des barrières de jardin, un iceberg, des sacs, un pupitre, des massifs de fleurs - sont éclairés de manière théâtrale. Sur un écran suspendu est projeté un film montrant cinq personnages manipulant méthodiquement chaque sculpture, dans une indétermination volontaire entre la pantomime, le burlesque ou la danse. Le film propose au spectateur, qui y reconnaît les objets présents dans l’espace, un rapport perturbé à la temporalité : quelque chose a eu lieu, ou pourrait avoir lieu.

Julie T Andrée, Rouge

Sur le plateau, l’artiste accumule tout ce qui porte la couleur rouge engendrant la multiplication d’objets, de vêtements, d’aliments, de babioles, de verres, rythmée par les actions de l’artiste et une interrogation soudaine et systématique : « What color is this ? », « De quelle couleur est-ce ? ». Quand la scène semble céder sous le vermillon, c’est alors le corps qui intègre en lui les possibilités de la couleur et se fait matière organique.

Alexander-Maximilian Giesche et Léa Letzel, Record of time (2010)

La pièce blanche est un emplacement de métamorphose rapide. Le passé est toujours le présent dans des mouvements élusifs sans aucune réconciliation de qui est, qui a été ou pourrait être là. Les histoires changent continuellement et s’alternent constamment. Des objets et des mouvements se succèdent, les connexions se réalisent et disparaissent ensuite, se développent et se perdent de nouveau. En utilisant des techniques vidéo simples, des intermèdes et les jeux de lumière combinés dans des modèles et paysages scéniques, les ombres des corps transforment, grandissent, se multiplient sur les murs, s’adaptent aux objets et aux images. Traitant de la fonction et l’efficacité de vidéo dans la performance et le théâtre, la surface blanche entière du contexte du jeu de scène devient ici l’écran lui-même. Le public pourra voir tous les objets sur scène deux fois : en réalité et en projection vidéo. En se déplaçant sur scène, les interprètes sont une partie des images projetées sur leurs corps et sur scène. C’est un rendez-vous de deux médias différents, la réalité de la scène et la réalité de la projection vidéo - un défi pour l’oeil du spectateur.


PRESENTATION

Ivo Dimchev "I-ON"

Le solo "l’Ion" est une performance incluant la danse, la musique et la chanson, autour de la sculpture "Passe-Stücke " de Franz West - sculpture qui, selon l’artiste lui-même," devient seulement un objet d’art quand quelqu’un fait quelque chose avec elle ".

Prochaine date :
- 4 février 2012/ TR4NS/ Grü, Genève

Gaëtan Bulourde, Already made (2011)

Après Chapeau ! et Tous les objets qui servent à enfoncer les clous ne sont pas des marteaux, Gaëtan Bulourde nous revient avec une nouvelle création : Already Made.. Accompagné sur scène par deux autres performeurs, ce bruxellois d’adoption questionne et interroge l’usage que nous faisons d’objets usuels. Dans le cas présent : un tabouret de bar, une chaise pliante, un casier de bière…Les trois performeurs passent d’un objet à l’autre, d’une relation utilitaire à l’objet à des liens plus abstraits avec celui-ci. Non-danse, pièce accessible, Already Made invite à réfléchir à la valeur – monétaire, émotionnelle ou affective – que nous accordons et projetons dans les objets, nos objets.

« Already made » de l’anglais « déjà fait » est une référence directe au ready made que Marcel Duchamp définissait comme un « objet usuel promu à la dignité d’objet d’art par le simple choix de l’artiste ». Cette définition paradigmatique place l’objet au centre d’une adversité : L’objet de valeur face à l’objet qui en serait dépourvu. Ce dernier, objet usuel sans qualités, sans valeur outre son prix, se reconnaît selon Henry Bergson à son usage. L’objet manufacturé n’appartient donc plus à celui qui l’a produit mais à celui qui s‘en sert. Marcel Duchamp choisit alors d’user de cet usage même, en déplacant cet objet du Bazar de l’Hotel de Ville où il acheta son tout premier Ready Made (le porte-bouteilles) vers le lieu d’exposition, le transformant ainsi en acte de l’artiste. Cet acte performatif, s’énoncant lui même, revendiquant la dignité d’œuvre d’art, ouvrait ainsi la voie à d’autres formes artistiques dont la finalité ne serait plus l’objet mais l’« acte en train de se faire ». Notre pièce, Already made est constituée par nombre de performances que nous avons revisitées et qui placent l’objet au centre de leur préoccupation qu’il soit présent ou absent, qu’il soit objectivé ou fétichisé, qu’il soit incorporé ou le résultat d’un corps réifié. Ces différentes performances deviennent ainsi le matériel d’une nouvelle performance. Il s’agit de performance dans un sens très large puisque nous avons utilisé également des textes, des musiques, des films, des photographies. Parmi d’autre on peut trouver dans ce matéril collecté, Simon Forti et son exercice sur le paysage, Dick Higgins (Omnia Gallia (1980)), Alain Badiou (lecture : the Subjet of Art), John Baldessari (Teach Alphabet to a plant), Vito Acconci ( Undertones) Zhang Huan, (Ajouter un mètre à une montagne anonyme), Aernout Mik (Kitchen), Kenneth Anger ( Kustom Kar Komando), Erwin Wurm ( one minut sculpture) À l’instar des artistes du mouvement anthropophage brésilien ce processus de transformation, d’incorporation d’oeuvre déjà faite, nous permet de construire à partir de ces éléments disparates l’identité propre de la pièce . Cette relecture ce re-enactement s’incrit également dans la logique à la fois poétique et iconoclatse que proposait Duchamp dans la définition d’un Ready made réciproque qui consisterait à « utiliser un Rembrant comme table à repasser »

Julien Jeanne, Un effleurement (2011)

La membrane d’un gonflable comme une représentation allégorique du monde Ce gonflable est une sorte d’interface avec notre dimension sociale et environnementale, un totem d’invocations comme un possible contact avec l’univers dans une pluralité. Elle devient dans sa métamorphose la peau du monde, notre rapport à l’autre, une pensée intérieure.

Ce « quasi-objet » en lévitation est un ballon noir. Il donne dans sa perception visuelle et sa manipulation une préhension plus ouverte sur notre imaginaire. Les relations et configurations spatiales que le corps entretient à cet objet donne la possibilité de découvrir des lectures en filigrane. Des évocations suggérées, dans une sensualité à fleur de peau, par des gestes tendres comme une manière de créer un souffle, de ressentir sans force une adéquation en résonance à ce qui gravite autour de nous. Les détails et la précision de gestes lents accordent cette faculté de suspendre le temps, pour révéler pendant des instants une perception photographique de l’espace scénique. L’image extraordinaire me semble aujourd’hui se placer dans des choses simples, sans apparat et sans accumulation d’information. Un espace qui m’apparaît comme « en voie de disparition ». Ce postulat m’amène consciemment à offrir un registre minimaliste, à l’inverse de la haute machinerie.

VIDEO

Ancrages historiques et prolongements

- Alwin Nikolais
- Anna Halprin, Parades & Changes (1963)
- Anne Teresa De Keersmaeker, Rosas danst rosas (1983)
- Christian Rizzo, 100% Polyester (Objet Dansant A Définir N°36) (1999)
- Marie Cool & Mario Fabucci
- William Forsythe, One flat thing reproduced (2000)
- Nathalie Pernette, Les miniatures (2009)
- TURAk Théâtre
- Roland Schön (théâtrenciel) LA fONDATION VOLTER NOTZING,
- Christian Carrignon (théâtre de cuisine)
- Julie Nioche, Nos différences (2010)
- Maria Donata D’Urso, Strata (2010)
- Ginette Laurin, L’étude # 03 pour cordes et poulies (2007)
- Marie Chouinard, Body Remix (2006)

Quelques lectures pour prolonger la réflexion :

- Jean Baudrillard, le système des objets, Ed. Gallimard,1968

- Bernard Blandin, La construction du social par les objets, Puf. 2002

- Anne Cara, La marionnette, de l’objet manipulé à l’objet théâtral, Ed.sceren 2006

- Anne Ubersfeld, « L’Objet théâtral contemporain », Actualités des arts plastiques n° 40 (« L’Objet théâtral »), Paris, CNDP, 1980, rééd. 1984

- Jean-Luc Mattéoli, L’objet pauvre - Mémoire et quotidien sur les scènes contemporaines françaises , Ed. PU Rennes, 2011

- Le Musée de l’Objet de Blois

La curator tient à remercier les artistes qui ont contribué à ce FOCUS, pour leur concours et leur enthousiasme.